lundi 4 décembre 2006

Edouard L., vendeur militant

Faut chercher à le comprendre, Edouard. Déjà, il a eu une enfance difficile, au cœur des médiocres 30 glorieuses où l’on croyait que le bien-être reposait sur le patrimoine électroménager. Issu d’une humble famille de marchands bretons, il est tombé dans le baril de promotion magique quand il était petit. A sept ans, on lui offrit une calculatrice et des autocollants. Le dimanche, son pater l’emmenait détrousser les cultivateurs d’artichauts et les crêpiers. A douze, il collectionnait les catalogues et les boîtes de conserve. Il n’a pas eu le temps d’avoir une adolescence, Edouard. En mai 68, il vendait des posters, rue Soufflot.

C’est ça, le déterminisme social, cette grande machine froide qui nous replace implacablement dans une catégorie proche de celles de nos parents. Seul un déclic, un heureux accident de la vie, une rencontre fortuite, un pur hasard, un court circuit anthropologique peut nous libérer de notre rôle imposé. Pour Edouard, ça s’est passé un soir d’Avril. Il venait de terminer l’inauguration de l’hyper de Courteville quand il trébucha sur une gondole du rayon lecture et bricolage. Les Héritiers de Bourdieu et une lampe de poche apparurent comme par magie. Il embarqua la torche et l’exemplaire, qu'il dévora dans la nuit. Le lendemain matin, il sentit gronder en lui une immense révolte et décida de tout plaquer pour devenir un poète engagé :

« Il est interdit d’interdire de vendre moins cher »
« Sous les pavés de saumon, deux sardines panées »

« Soyez impossibles, demandez des prix réalistes »
« Le pouvoir d’achat est au bout du crédit »

Bah quoi ?

Aucun commentaire: