samedi 23 décembre 2006

Noël impair

C'est le premier Noël sans maman. J'aime me faire croire que je suis dé-ritualisé, tout plein de recul face aux opérations de joie programmée, et pourtant je mâchonne un arrière-goût d'orphelinat depuis début décembre. Je me surprends à lécher pour elle des vitrines virtuelles, à astiquer la collection d'après rasage qu'elle complétait tous les ans et à lui acheter deux bouteilles de champagne sans migraine. Hier, j'ai ressorti l'autobiographie de Canetti qu'elle m'avait offerte il y a au moins quatre ans et que je n'avais toujours pas pris le temps de lire. Les généreux ne meurent jamais. On fait tous un peu semblant de faire comme si de rien n'était, on sort les impers de Noël et on s'administre préventivement des anti-dépresseurs. Clément a enseigné à Awen et Timothé l'art des caricatures de l'avent. Laury a décoré l'épicéa sans boule dans la gorge. Gilles dit que cette année on fête Léon. Jeanne roule ses premières truffes de nez. Audrey regarde le foot avec moi et fait même un peu semblant de s'y intéresser. La solution, c'est de se gâter-nourrir.
Quel cadeau mystique pour ma mère athée? Une confiture d'anges amers.

jeudi 21 décembre 2006

L'extrême droite plurielle

La voilà, la première leçon de démocratie de la campagne 2007 en direction de l'UMPS. On serre les coudes à total tribord. Il ne manque plus que le nobliaud du Puy du Fou et la fête à la défaite pourra commencer. C'est vrai qu'à droite de Pasqua il y a une telle créativité idéologique qu'il fallait d'urgence ranger les pions sur l'échiquier : négationnistes têtus, poujadistes de proximité, néo-nazis camouflés, patriotes énervés, nationalistes anonymes, nihilistes affamés, militaristes en retraite, royalistes démagogiques, fascistes tricolores, coopératives des autoritaristes, collectionneurs de timbres coloniaux, antisémitistes visibles, vichystes nostalgiques, petits blancs consanguins, j'en passe tant ça pullule derrière Jeanne D'arc qui préfère partir en fumée. C'est un peu trop facile de brûler leurs images d'Epinal et cela fait perdre un temps fou, alors soulignons plutôt les leçons pédagogiques offertes par cette grande voiture balais du tour de France des idées.
Leçon épistémologique : le nationaliste n'aime pas l'histoire, c'est bon à savoir pour les enfants de tous les pays, comme dirait Enrico.
Leçon idéologique : si l'extrême droite est une droite décomplexée, la droite est une extrême droite complexée.
Leçon électorale : comme trois électeurs du front sur quatre votent ainsi pour faire chier les autres, c'est que les autres les font chier. Apprenons leur le bulletin blanc, qui est un meilleur caniveau les jours de scrutin. Ou alors, votons pour un mort : Coluche, Gandhi, Bourdieu ou Vian.
Leçon proportionnelle compliquée : si l'éclatement de l'aile gauche de la gauche est une machine à faire gagner la droite, la réunification de l'extrême droite est un stratagème visant à faire triompher l'aile centriste de la gauche. Comme il n'y a pas d'aile au centre, les votes s'envolent. (Se reporter aux articles "une malchance pour l'égalité" ; "les rois de la gauche" ; "rupture tranquille" pour approfondir l'incompréhension de ces phénomènes)
Leçon statistique : l'opinion publique n'existe pas, les instituts de sondage non plus. Il vaut mieux jouer au loto.
Leçon héraldique : bah oui c'est moche, un drapeau.
Leçon éthico-sociologique : lorsque les élites pensent et agissent comme des porcs, les électeurs votent comme des cochons.
Moralité démocratique : quand les ploutocrates jouent les méritocrates, le peuple fait semblant d'être populiste.

mardi 19 décembre 2006

Nombril Narcisse, mannequin en crampons

Il est beau comme un ballon neuf, Djibril C. Adepte du football total, il met son corps à l'épreuve pour faire peur au stoppeur et envoûter la femme du libéro. Physiquement, c'est l'antithèse de Guy Roux, mais pour le business, c'est son fils spirituel. Il change de scalp toutes les semaines pour perturber le marquage individuel. Du côté des futurs adversaires, on programme toute la semaine un Argentin hargneux pour marquer à la culotte le grand noir aux cheveux rouges et le défenseur en question voit arriver un grand blond tatoué avec une barbe bleue. Le temps de la traduction, Djibril a déjà troué les filets...
J'aime pas trop son jeu. C'est vrai qu'il claque des buts fabuleux mais il donne toujours l'impression d'appliquer méthodiquement la formule de Vieiri : "le football est un sport individuel qui se joue à plusieurs". Il a déconné avec ses piercings au tibia, tout le monde l'avait prévenu que ça pouvait le fragiliser. On dit qu'il préfère le foot en hiver. Apprêté comme un patineur artistique, Djibril C. aime contempler son reflet sur les gazons gelés. Ce n'est pas un bon joueur de couloir, il a trop la tête dans le miroir. Du côté de la Canebière, on dit qu'il vaut mieux l'avoir en poster qu'en partenaire.

lundi 18 décembre 2006

Bataille et Fontaine, psychologues de masse

Bataille et Fontaine, c'est comme les frères Bogdanoff, je n'arrive jamais à me souvenir qui est Igschka et qui est Grigor. C'est le syndrome Dupont et Dupond, ça, on sait tous qu'il y a une différence dans le bourlet de la moustache mais on n'arrive pas à l'associer à la bonne terminaison. Tout cela renvoie à un dysfonctionnement profond dans la perception sociale de la gémellité, mais cela ne gênera en rien mon propos.
Ce qu'il y a d'admirable, chez Bataille et Fontaine, c'est que malgré TF1, ils assument vraiment une mission de service public, à la manière de Julien Courbet qui fourgue des avocats gratis aux braves gens englués dans des intrigues juridico-financières injustes. Leur boulevard à eux, c'est le vide laissé par Jacques Pradel et Françoise Dolto. Rabibocher les perdus de vue, réunir ceux qui ne s'aiment plus, rendre son X à l'orphelin. Il y a toujours un rideau entre les deux pièces du puzzle parce que TF1 a toujours préféré l'érotisme à la pornographie, c'est historique. Le petit gros en costard gris, il est hyper doué pour la larme à l'oeil, c'est Dechavanne qui lui a monté un système d'irrigation dans la lentille de contact. Le grand avec la permanente, on a toujours peur qu'il finisse par proposer un contrat d'assurance vie avant la page de pub, mais il se retient.
Y a que l'intimité qui se montre, c'est quand même vraiment émouvant. Déjà, c'est osé, sur TF1, de montrer brut de brut qu'il n'y a pas que les stars qui souffrent au niveau du réel. C'est du documentaire ethnographique sur un canal commercial. C'est prendre un risque énorme avec l'audimètre et la culture de la chaîne, si vous me passez le pléonasme. Vous me direz que la star academy a déjà introduit les cas soc' à l'antenne et je vous répondrai "oui, mais avec des paillettes". Tandis que chez Bataille et Fontaine, les gens d'en bas sont dans leur milieu naturel, sans coach, sans prompteur, sans filet. Plus vrais que nature. Xavier qui veut demander pardon à Stéphanie de l'avoir trompée avec sa petite soeur pendant qu'elle se faisait opérer des amygdales, je veux dire, ça ne s'invente pas, c'est du vécu. Alors bien sûr, je les entends déjà, les bobos qui grincent, genre c'est populiste, démagogique, voyeuriste et tout. C'est télé-alarmiste, ça comme argument, un point c'est tout. Tout le monde sait très bien que ce n'est pas de leur faute, à Bataille et Fontaine, si les gens d'en bas demandent ça.
Imaginez une seconde tous ceux qui ont fauté avec leur belle soeur. La cas de Xavier, c'est un petit morceau de résilience pour tout le monde. Ah ça, c'est sûr que ça n'intéresse pas les bourgeois bohèmes qui peuvent se payer des psys à 90 euros de l'heure. Ils rétorqueront que le paiement participe à la guérison? Bataille et Fontaine peuvent facturer tout le monde par SMS. Parce qu'au fond, y a pas photo, c'est le geste qui compte.

dimanche 17 décembre 2006

Bernard T., Saint qui touche

On lui donnerait Bourdieu sans confession. En voilà un qui n'est pas un héritier. Bernard T., c'est le Frison Roche de l'Everest social. C'est pour cette raison que les fils d'énarques cherchent à l'abattre. Une tripotée de jaloux. Je vous jure, monsieur le Juge. Tout ce qu'il a racheté pour un franc symbolique, c'est le symbole qu'il faut retenir, pas le franc. Le match payant de Marseille contre Valenciennes, c'était pas vraiment de la corruption, c'était pour protéger l'intégrité physique des joueurs. Les vilains scribouillards, gauchistes comme des fils de notables, qui font croire qu'il a beaucoup licencié, ce sont des manichéens amnésiques. Son vrai but, à Bernard, c'était d'en sauver, des emplois. D'ailleurs, en termes de propriété intellectuelle, il fût le créateur d'un argument à l'efficacité éprouvée. Maintenant dans le langage du management, on ne dit plus "plan de licenciement", on dit "plan de sauvegarde de l'emploi". C'est plus joli et ça rime bien dans un curriculum vidé. C'est un précurseur, Bernard T.
Il est polyvalent. Il aime raconter qu'il a démarré sa carrière d'assistant social en vendant des télévisions à crédit. Trop forte, la stratégie marketing. Il inoculait la dépendance cathodique aux ouvriers des 30 glorieuses en leur demandant de se gaver d'ondes pendant une semaine et de noter leurs réflexions sur un petit carnet offert par la maison. Il prêtait l'écran en échange. Une semaine plus tard, il revenait avec une offre de crédit. Et ça marchait à tous les coups. Marcof et Thierry A. adorent quand oncle Bernard narre ses vieilles histoires. Le clou de la comptine autobiographique, c'est quand il raconte que ces ouvriers accrocs avaient pris l'affaire au sérieux et avaient méticuleusement consigné leurs critiques sur le petit carnet. Généralement, Thierry et Marcof demandent au public de ricaner et Bernard jette un regard amoureux à son reflet, dans ses chevalières. Il faudrait publier tout cela, dit toujours l'homme politique sans cravate qui siège à ses côtés, voulant grignoter quelques points d'applaudimètre que Bernard lui concède élégamment.
Le plus émouvant chez lui, c'est sa gestion de la pudeur au niveau de toutes les souffrances qu'il a endurées. C'est pas chez les bourgeois que t'apprends ça. Il a toujours su rebondir et c'est ce qui le rend encore beau, Bernard. Chanteur, vendeur, entrepreneur, présentateur, directeur, ministre, acteur, il sait tout faire. C'est un renard sur toutes les surfaces.