vendredi 1 décembre 2006

Une bonne bavure


Des mecs qui se regroupent une ou deux fois par semaine autour d’un clébard bleu blanc rouge, forcément, ça finit mal. Même quand Cabu caricature Le Pen, il va pas aussi loin dans la recherche de mocheté. Non mais franchement, Dracula déguisé en Droopy avec de l’hémoglobine sous la canine, c’est pas vraiment sportif. Comment veux-tu qu’on emmène nos mômes au stade avec tous ces gros pleins de bière ? Paris est magique, qu’ils disent. En fait, c’est à cause de leurs sales gueules que les joueurs du PSG restent coincés. Tu peux pas courir vite et serrer les fesses en même temps. Au Parc des Princes, même le ballon, il a peur.
Alors franchement, qu’un flic guadeloupéen en ait eu la gâchette facile, ça va pas faire pleurer dans ma chaumière. Pour une fois qu’un noir est du bon côté de la bavure.
Quand j’étais petit, j’aimais bien le Paris Saint Germain. Mon père m’emmenait parfois au Parc. J’adorais Safet Susic et Mustapha Dahleb. Et puis un jour, à deux pas de moi, dans la tribune, j’ai vu un vieux monsieur, très noir et très élégant, avec un parapluie couvert de crachats. J’ai levé la tête et j’ai vu les rasés, deux étages au dessus, en train de se racler l’arrière gorge et de le bombarder de mollards. J’ai tellement été choqué que je m’en souviens encore aujourd’hui. Il devina mon malaise et me regarda avec un sourire. J’en avais déduit que ce monsieur apportait son parapluie tous les samedis pour se protéger des morves de ces fumiers. Depuis ce jour, pour moi, c’est tout sauf PSG. Je suis supporter du reste du monde.

Rupture tranquille




Moi aussi, j’aime bien l’oxymore. Une petite seconde d’éternité de Prévert dans un jour noir à la Baudelaire. Ces beaux collages faussement naïfs qui réconcilient les contraires. Et puis voilà que Sarkozy s’y met. La rupture tranquille. Au début, j’ai cru que c’était une blague. Un titre du canard enchaîné. De l’ironie de journaliste pour moquer la nouvelle posture du nain surpuissant. Il ne pouvait pas avoir dit ça pour de vrai.

Bah oui, moi, on m’avait dit qu’au niveau com’, cabinet, image, messages subliminaux, impact médiatique, hypnose et tout et tout, Sarkozy était blindé. Que ses conseillers auraient pu faire avaler une capote nervurée à Jean Paul II. Qu’ils lisaient dans les sondages comme Champollion dans les hiéroglyphes. Que dans sa bande, on inventait chaque jour les mots de la France qui bouge.
Je vérifiai sans tarder que non seulement il l’avait dit lui même, rupture tranquille, avec le ton et tout, mais qu’en plus il le répétait à qui mieux mieux. Qu’il en ferait même son slogan de campagne. Mort de rire, je me suis dit, enfin, ça y est, Sarko il a craqué…

Franchement, la rupture tranquille, dans la bouche de Bayrou, ça m’aurait pas plus étonné depuis le coup de l’extrême centre. Mais venant de Sarkozy, je me suis demandé à quoi ressemblait cette nouvelle paire de sabots.

Autant vous dire qu' hier soir, j’ai pas hésité une seconde entre «incroyable talent» et «à vous de juger». J’ai choisi le film comique. Trop bon le nouveau sketch du ministre de l’intérieur. Quelque part entre De Funès dans la gestuelle et Desproges dans le texte. Je cite de mémoire : « pour que tout redevienne possible pour tout le monde » ; « pour aider la France qui se lève tôt, qui travaille dur plutôt que la France qui se plaint toujours, pour pas grand-chose » ; «l’ordre en mouvement»…
Des vannes terribles. Moi et la France qui se couche tard, on s’est vraiment bien marré. A six mois de la présidentielle, mine de rien, le chef de l’ump a troqué son kärcher contre un brumisateur : la rupture tranquille.
Quel gros malin.